Méditation et concentration

Comme vous le savez peut-être, je pratique les origamis.

J’éprouve un vrai sentiment de calme et de plénitude pendant ces moments, et j’en « oublie le bruit du monde ».

Toute mon attention est alors focalisée sur un objectif : la réalisation du pliage, ou du shaping.

Or, il y a quelques temps, mon professeur de yoga m’avait fait justement remarquer que ce type d’activités peut s’apparenter à une forme de « méditation », dans le sens où ma concentration se retrouve dirigée vers une seule chose : la réalisation du pli.

Cet état d’esprit forme une étape importante pour l’installation d’une méditation et d’un bien-être durable : se concentrer vers une activité, un objet, ou un sujet, au point d’en rendre accessoire tout le reste.

Il est intéressant de remarquer que cette « ambiance de concentration » au travers d’une activité (par exemple, les origamis) se situe à la croisée des chemins avec certains exercices de pleine conscience.

La question de la concentration est la suite logique de « faire le vide en soi » (comme vu la semaine dernière ici : https://rel-action.fr/2021/03/11/lexterieur-et-le-soi/)

Elle constitue pour moi une véritable clé de voûte pour l’installation d’une méditation qui s’ancre en nous-même durablement

Quels sont les ressorts de la concentration ? Comment faire pour l’installer ?

La concentration dans les traditions yogiques

Si l’on en croit les textes traditionnels du yoga, la concentration constitue l’une des étape clé pour la mise en place de la méditation.

Ce jalon se situe à la croisée des chemins entre plusieurs ponts, tous essentiels pour se recentrer avant de « plonger dans le grand bain ». 😉

La première voie correspond à la relaxation et au lâcher-prise. J’en ai déjà parlé beaucoup de fois sur ce blog : il constitue un socle solide sur lequel s’appuyer, car cette étape est indispensable pour installer les ressorts nécessaires au calme de l’esprit et du cœur.

La deuxième voie est relative à l’écoute subtile de son corps et de ses sensations. On retrouve souvent ce travail dans les postures du yoga. Celles-ci, maintenues pendant un certain temps, permettent à l’esprit de se recentrer sur les sensations du corps. Elles permettent au pratiquant d’explorer la relation corps-esprit pour y (re)trouver son ambiance intérieure, sa « note » personnelle.

Enfin, la troisième voie vers la concentration est l’acceptation de la vacuité de son existence et de ses actions. Derrière cette vision, il y a cette idée de conserver une vie simple, à ne pas rechercher ni la reconnaissance, ni le gain matériel, ni l’enrichissement ; juste de se réjouir de son état actuel.

C’est là que la question de l’éthique de vie réapparaît, avec la question de centrer sa vie avec entre autres ses valeurs.

Or, une fois ces prérequis installés, la concentration peut plus facilement se déployer.

Dans un autre livre traditionnel (Bhagavad Ghita), on peut lire cette histoire que je trouve très parlante :

« Drona, Maître d’armes, enseignait l’art du tir à l’arc aux frères Pandavas, les célèbres héros du Mahabharata. Un jour, Drona avait installé un poisson en bois sur la branche la plus haute de l’arbre le plus haut du lieu d’entraînement. Les cinq Pandanvas se tenaient là, prêts à essayer, à la demande de Drona, d’atteindre avec leur flèche, le dit poisson.

Drona appela le premier des frères et lui demanda avant qu’il ne tire :

« Ami, que vois-tu ? »

« Je vois le bleu du ciel, l’arbre, le vent dans les branches, le poisson » répondit-il.

« Bien, répondit Drona, alors pose ton arc et ne tire pas ».

Il appela le second et lui demanda avant que ce dernier ne tire :

« Ami, que vois-tu ? »

« Je vois l’arbre, les branches, la branche sur laquelle est le poisson, le poisson » répondit ce dernier.

« Bien, répondit Drona, alors pose ton arc et ne tire pas ».

Il appela le troisième et lui posa la même question :

« Ami, que vois-tu ? ».

« Je vois l’arbre, les branches, la branche, les feuilles, le poisson » répondit ce dernier.

Et Drona ordonna la même chose. Ainsi de suite, aucun prince ne pût tirer sa flèche.

Drona appela enfin Arjurna et lui posa la même question ; Arjurna répondit :

« Je ne vois que l’œil du poisson et rien d’autre ».

Drona lui dit alors : « Ajuste ton arc et tire ».

La concentration au jour le jour

Au-delà de cette vision traditionnelle, pour moi la question centrale reste : comment faire pour travailler la concentration dans notre vie de tous les jours ?

En premier lieu, la façon la plus facile sera probablement de pratiquer une activité permettant de développer ces qualités.

L’un des voies royales pour la concentration reste pour moi la pratique du tir, et probablement même plus celle du tir à l’arc. Dans cet art, tout se résume à rapprocher le tireur, la flèche et la cible. L’idée de la concentration est d’arriver au stade où ces trois éléments ne font plus qu’un.

Il y a bien entendu le Kyudo (tir à l’arc japonais) qui a su raffiner cet art jusqu’à son paroxysme, mais j’aime aussi me rappeler les propose de Wyatt Earp, qui n’avait aucun rapport avec la chose orientale ! 😉

Fast is fine, but accuracy is everything. You must learn to be slow in a hurry.

Traduction maison : « la vitesse est une bonne chose, mais la précision est primordiale. Vous devez apprendre à être posé même dans l’urgence. »

J’ai eu l’occasion d’aller pratique le tir avec arme à feu une fois ou deux dans un stand, et je dois dire que l’effet de concentration chez moi a été quasi-immédiat !

Une fois l’excitation de départ passée, je me suis assez rapidement placé dans un état de calme où la respiration a pris une place prépondérante : j’attendais de longues secondes avant de déclencher le tir, au grand dam de mes copains qui rongeaient leur frein de me voir presser sur la détente ! 😉

Bref, ce fut une expérience riche d’enseignement sur le deuxième point d’une pratique au jour le jour : la lenteur dans l’action.

Au sujet de la lenteur, Les Echos ont publié une tribune en 2019 que je trouve très intéressante.

En voici un extrait :

« Un joueur d’échecs ou de go vous expliquera que l’innovation a besoin de lenteur. Jouer une partie à toute vitesse, ce n’est souvent que reproduire une partie que l’on connaît ; un artisan vous dira que la lenteur est nécessaire pour mettre en œuvre tout son savoir-faire, pour prendre le temps de penser ce qu’il fait, tout simplement.

D’ailleurs, dans nos temps libres, nous recherchons souvent la lenteur : bricoler tranquillement, marcher sereinement, etc. Nous le faisons pour nous reposer, mais aussi parce que la lenteur fait du bien, permet à notre esprit de vagabonder et d’apporter à notre conscience des choses nouvelles, des idées différentes. Se souvenir, innover, développer notre savoir-faire, nous oxygéner… tout cela manque tellement en entreprise aujourd’hui !

[…]

Essayer de réinjecter tout cela en entreprise, c’est remettre de la lenteur et donc aller à contre-courant de la frénésie omniprésente. Ainsi, c’est d’abord un acte de courage !

Pour que ça fonctionne, deux conseils : choisir ses combats et y aller à fond »

Bref, plutôt que de courir plusieurs lièvres à la fois, je vous invite à faire comme au tir : concentrez-vous sur un seul objectif à la fois ; ramener toute votre attention vers l’atteinte de cette tâche ; prenez le temps qu’il faut pour bien la réaliser ; puis seulement après, passez à la tâche suivante.

Il y a fort à parier qu’un tel mode de fonctionnement vous permette aussi de réduire votre stress.

Quelques exercices à pratiquer chez soi

Travailler la concentration est un exercice délicat et ingrat, car il est probable qu’aucun résultat probant ne puisse se voir d’une séance à l’autre. Ces exercices sont comme polir une pierre dure : sur l’instant, on ne remarque rien ; ce n’est qu’au fur et à mesure des séances que l’on peut voir que le minéral se forme, petit à petit.

Ne désespérez donc pas : même si les séances sont courtes et rébarbatives, elles serviront toujours à quelque chose. 😉

Je vous propose donc 3 exercices à pratiquer au long cours :

Observer une bougie

Pour ce premier exercice, je vous propose de vous installer dans un lieu calme, loin de l’agitation extérieur. Allumez une bougie (type chauffe-plat), et regardez-la en prenant conscience que vous observez.

« Je contemple la bougie » pourriez-vous vous dire.

Observez la lumière de la bougie, ressentez sa chaleur, humez l’air.

L’idée n’est pas de juger, ou d’avoir un avis sur la situation ; placez-vous plutôt comme une sorte de témoin neutre, extérieur à ce qui se produit.

Vous observez, simplement. Presque comme si c’était quelqu’un d’autre qui observait.

Pour vous aider dans cet exercice, captez le rythme de votre respiration.

Votre esprit va régulièrement vous faire revenir vers des pensées ou des émotions. A chaque fois que vous prenez conscience que votre mental « dérive », recentrez-le sur la bougie.

5 minutes par jour suffisent pour ressentir une amélioration !

La marche active

Déjà évoquée la semaine dernière, vous pouvez pratiquer la marche afghane.

Cet exercice met en action souffle et mouvement. Ceux-ci sont organisées de la façon suivante :

– Inspiration sur les 3 premiers pas

– Rétention à plein au 4ème pas

– Expiration sur les 3 pas suivants

– Rétention à vide sur le pas suivant

Une fois la boucle terminée, il n’y a plus qu’à recommencer.

Pour le travail de concentration, partez faire une balade en forêt en respectant le rythme « afghan » avec un seul objectif en tête : atteindre le bout du chemin. Toute votre attention est concentrée vers l’atteinte d’un panneau, d’un caillou ou d’un arbre.

Bien entendu, votre mental risque d’être tenté de suivre le chant des oiseaux, le vert des arbres, ou le ciel. Veillez à bien recentrer votre esprit vers l’objectif.

L’immobilité, puis le déplacement

Pour ce dernier exercice, l’idée est de déclencher un mouvement après avoir silencieusement observé un objet, comme prendre une tasse par exemple.

Posez la tasse sur une table, vous êtes assis juste en face.

L’esprit n’a qu’un objectif, prendre la tasse ; mais le corps reste parfaitement passif. Comme un archer attend pour déclencher son tir, vous êtes prêt à prendre la tasse, mais vous attendez la bonne coordination corps et esprit.

Instinctivement, déclenchez le mouvement quand « vous êtes prêts ».

Petit à petit, l’idée est de tendre vers une économie de mouvement.

Conclusion

La question de la concentration marque la première étape vers les sentiers de la méditation.

Cette pratique est l’aboutissement d’une dynamique structurée autour du lâcher-prise, du travail de sa posture, et d’une certaine vision de sa vie de tous les jours.

Bien que nous vivions dans un monde où tout va très vite, la concentration ne peut s’installer que lorsque nous trouvons les ressources en nous pour « ralentir le mouvement ». Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, ralentir le rythme est la voie royale pour se recentrer, passer de meilleures journées moins stressées et surtout sortir de la réactivité !

La concentration permet de nourrir notre vie intérieure et de (re)cultiver ce jardin qui fleurit en nous.

Il est dit dans les traditions yogiques, qu’il faut se concentrer 3 heures et 30 minutes avant d’entrer dans la méditation. Voilà qui nous offre une belle perspective de travail ! 😉

En attendant, portez-vous bien et n’oubliez pas de respirer !

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